Shôjin ryôri
GÉO n°555 - Escapades hors du temps au Japon - Mai 2025.
La cuisine zen des moines japonais à découvrir à Tsuruoka
Le train longe les côtes escarpées de la mer du Japon, comme s’il flottait au-dessus de l’eau. En contrebas, défilent de petits jardins proprets, des restaurants aux façades fanées, et de vieilles échoppes aux cheminées d’où s’élèvent des écharpes de fumée blanche. Et puis ces étranges tétrapodes, des brise-lames de béton qui protègent les habitations des tsunamis. Depuis Tokyo, il faut compter un peu plus de quatre heures en Shinkansen, le train à grande vitesse, pour rejoindre Tsuruoka, la deuxième plus grande ville de la préfecture de Yamagata, dans le nord de Honshū, la plus grande des îles du Japon.
Ici, la nature a bon goût
Bien qu’elle soit au-delà des itinéraires touristiques convenus, cette ville a su gagner ses lettres de noblesse gastronomiques, et a même été couronnée en 2015 par l’Unesco comme "Ville gastronome créative" – une première au Japon. C’est que, riche en plaines fertiles, encadrée par la montagne et la mer, Tsuruoka a profité du meilleur de la nature pour développer une diversité culinaire unique. La région abrite d’ailleurs une soixantaine de fruits et légumes endémiques, comme les haricots dadacha aux notes umami (une des cinq saveurs de base, qui confère une sapidité particulière aux plats), les radis atsumi qui croquent sous la dent, les kakis hiratanenashi sucrés, juteux et sans pépins, ou encore les délicieux raisins koshu à la peau ultrafine. Et elle se distingue par la qualité de sa cuisine ascétique, la fameuse shojin ryori à base de légumes des montagnes, d’herbes et de tofu, préparée depuis le XIIIe siècle par les moines bouddhistes zen. Pour découvrir l’étonnante gastronomie de la région, on commence par mettre le cap sur les trois montagnes sacrées Gassan, Haguro et Yudono, regroupées sous le nom de Dewa Sanzan ("les trois monts Dewa"). Ce haut lieu de pèlerinage donne à voir à chaque saison une facette différente de la nature japonaise : les denses forêts de cèdres sous un épais manteau de neige en hiver, le chant des martins-chasseurs violets – une espèce typique des forêts d’Asie – en pleine nidification au printemps, un parfum d’humus à en donner le vertige au cœur de l’été, et enfin un océan de flammes rouges, lorsque l’automne donne sa plus belle parure aux feuillages. […]