Itaru Hori
Chèvre fermier
TEMPURA magazine N°21 - Printemps été 2025
© Emil Pacha Valencia
À 1h30 à l’ouest de Tokyo, aux confins de la ville d’Akiruno, le long de la rivière Yozawa, un jeune agriculteur a décidé de se lancer un défi un peu fou : produire du fromage de chèvre au pays du riz et du miso. Sur son terrain pentu, Itaru Hori trait ses chèvres et fabrique ses fromages à la main, pour tenter de convertir les Japonais à ce goût venu d’ailleurs. Un crottin à la fois.
La maison, qui semble comme accrochée à la montagne, déborde sur la route. Tout autour, d’immenses forêts de cèdres et de cyprès d’où s’échappent des effluves d’herbe humide après la pluie. Il faut se garer un peu plus haut, sur un chemin en pente, en prenant garde de ne pas tomber dans le ravin. On contourne la bâtisse brinquebalante, réparée au fil des ans pour faire face aux intempéries ; quelques jouets d’enfants traînent ici et là. Pas de pancarte, pas d’accueil. Mais deux petits enclos où l’odeur de bête le dispute au bêlement des chèvres, une trentaine, curieuses face aux visiteurs inconnus. Assis sur un tabouret en bois, Itaru Hori est à la traite depuis ce matin. « Durant la période de lactation, qui dure environ huit mois, il faut les traire deux fois par jour. Ce matin je suis un peu en retard, car je suis allé chercher du foin, explique le trentenaire en désinfectant les mamelles d’une chèvre adulte, avant d’en tirer un lait blanc nacré, mousseux, qu’il récolte dans une grande bassine en plastique. J’ai six bébés qui sont nés le mois dernier, ils boivent encore du lait, mais commencent doucement à être sevrés. Au total, nous avons 12 chèvres adultes et 29 bébés. Ça fait pas mal de boulot. » Sans transition, il passe à la suivante, « Sui-chan ! », la chèvre accourt pour s’installer sur l’estrade, « elles viennent car elles savent qu’elles vont avoir à manger », plaisante Hori.